Dossier : La compression - Part 2 - La logique du compresseur
II LA LOGIQUE DU COMPRESSEUR
A – LE SEUIL
1- Seuil et zones de compression
Le seuil délimite trois zones :
-la zone 1 : celle qui précède l’action du compresseur dans laquelle le gain s’applique intégralement. Nous verrons le bruit de fond, la réverb de la pièce monter exactement du montant du gain.
-la zone 2 : celle de l’atténuation, où le gain s’applique mais il faut soustraire le montant de l’atténuation due à la compression.
- La zone 3 : celle du release. Il s’agit d’un fade in ou le signal subit au début une atténuation maximale (lorsqu’il passe sous le seuil ; il est en train de compresser) qui va cesser progressivement et où le gain s’appliquera progressivement de manière intégrale en un temps fixé par le release time.
ex) un signal de niveau crête -3dBfs est compressé avec les réglages suivants :
S : -12dB,
R : 3,
att : 0ms,
rel : 100ms
G.compensatoire : +6dB
La zone 1 se voit appliquer dans toute sa durée un gain de 6dB.
La zone 2 se voit appliquer dans toute sa durée (attack time = 0ms) un gain de 6dB – 6dB d’atténuation (calculée) soit un Gain nul.
La zone 3 se voit appliquer au début 0dB de gain et à la fin 6dB : elle passe de l’état de la zone 2 à celui de la zone 3.
L’application progressive du gain au cours de la phase de release est à l’origine du pompage le plus courant : il est plus audible si le release est rapide.
2- Seuil haut
= seuil positionné 5 ou 6 dB sous le niveau maxi et qui peut donner lieu à des atténuations maxi du même ordre.
Entraîne logiquement ratio fort (2 au minimum). Remarquez qu’avec un seuil haut il y a peu de différence d’atténuation entre un ratio 2 et un ratio 10.
Si S = -5dB le G.R est 2,5dB avec ratio 2 et 4,5dB avec ratio 10.
Les conséquences du seuil haut sont :
a) La réactivité
C’est dans cette circonstance que le cycle de la compression est le plus rapide, à réglages d’attack et de release identiques. Dans le cas d’un seuil bas, le release s’allonge automatiquement et le compresseur n’est plus réactif. L’A.T lui, ne varie pas en fonction du seuil.
Dans l’exemple ci-dessous aves S = -6dB, le cycle attack + release dure 10 + 90 = 100ms et avec S = -15dB, le cycle dure 10 + 190 = 200ms
- du release :
Les compressions réactives sont recommandées pour des modulations cycliques par leur capacité à réaliser le cycle compression / relâchement entre 2 coups successifs et à reproduire sur chaque impact, une compression identique.
b) La transparence
Un seuil haut rend la compression discrète car elle ne traite que le sommet des crêtes. Le signal est peu déformé et l’atténuation est faible.
c) Le risque
Un seuil haut oblige à régler un attack time rapide ainsi qu’un ratio fort sinon la compression serait inefficace : les conditions sont réunies pour produire de la distorsion harmonique par écrêtage, comme nous le verrons ultérieurement.
Résumé :
3- Seuil bas
Positionné 15 à 20 dB sous le niveau maxi. Contrairement au seuil haut, il entraîne logiquement des ratios faibles , sinon les effets secondaires deviennent ingérables.
Conséquences d’un seuil bas :
a) Sur l’attack time
Le seuil bas permet de monter l’attack time grâce à une détection précoce. Le compresseur se déclenche sur les premières crêtes et a du temps pour compresser.
C’est une bonne manière de surveiller les variations de niveaux et de prévenir les problèmes à la base.
Ce type de réglage est mieux adapté aux signaux aléatoires car il permet une surveillance efficace et sans brutalité.
b) Sur la distorsion harmonique
Le fait d’utiliser un ratio faible et un attack time plus long réduit considérablement le risque de D.H, laquelle se manifeste par un durcissement du signal.
La basse présente de gros risques de distorsion harmonique.
Si l’on veut réduire l’agressivité d’un signal (stridence d’une flûte par ex.), il est recommandé d’abaisser le seuil, ce qui permet de réduire le ratio et surtout d’augmenter l’attack time.
c) Sur la réactivité
Comme vu l’avons vu précédemment, l’abaissement du seuil produit un allongement du release time, sur l’immense majorité des compresseurs. La seule exception que j’aie constatée est celle du Drawmer dont le release ne varie pas avec le seuil mais avec le ratio.
Le constructeur a choisi ce procédé pour réduire les problèmes de pompage.
d) Sur la dynamique apparente
On peut avoir une perte de cette sensation du fait que la compression ne cesse jamais. Le signal est compressé en permanence , il est maintenu entre deux eaux et ne respire jamais, il est étouffé.
e) Sur le pompage
Avec un seuil bas, le ratio doit être faible, inférieur à 1,5. La moindre augmentation du ratio se traduit par une compression fortement accrue qui peut génèrer du pompage sur tous les transitoires.
En résumé, seuil bas donne :
B - LE RATIO
1- Ratio Fort
Qu’est-ce qu’un ratio Fort ? Dans l’absolu cela dépend du seuil. Que devient un ratio de 10 si le seuil culmine à -2dB ? En fait, un ratio Fort, quelle que soit la valeur de seuil, entraîne toujours de la part du compresseur, un comportement brutal, « nerveux », prompt à réagir, indépendamment de la valeur du seuil.
A partir de quelle valeur un ratio peut-il être considéré comme fort ? A partir de 2 et même dans certains cas de saturation de basse, à partir de 1,4.
2- Ratio faible
Ratio faible = ou < 1,3. Là on tiendra compte des caractéristiques du signal et du niveau du seuil mais en tout cas, 2 est la limite supérieure des ratios faibles.
3- Distorsion et ratio :
Traditionnellement on attribue au ratio le défaut de produire de la distorsion par écrêtage. En fait le ratio n’est qu’un élément aggravant car le principal responsable est l’attack- time si celui-ci est < 1ms. L’attack time est la cause principale de l’apparition de la distorsion harmonique.
C – L’ATTACK TIME
1 – Instruments percussifs
Attack time très court : 0 à 0,5 ms
L’écrêtage produit de la distorsion harmonique mais celle- ci n’a pas que des inconvénients, elle peut enrichir les transitoires d’un instrument percussif tel une caisse claire et accroître la sensation d’énergie. Le spectre dans le haut médium accentue l’impact et la sensation d’énergie.
Sur une crête très brève, la saturation n’est pas ressentie car le cerveau a besoin d’une durée minimum > 20ms pour interpréter le phénomène. On entend simplement plus d’attaque.
Document montrant l’apparition de la THD, sur un signal (nommé composite *) fabriqué sur le modèle d’une grosse caisse avec 4 sinusoïdes de manière à visualiser la THD
Signalons que les compressions sont réalisées avec un gain nul.
Commentaires du document :
- Ce document fait prendre conscience de l’importance de la THD, générée principalement par les sinusoïde de 50Hz et 200Hz. Mais aussi, on voit croître considérablement les fréquences de 3K et 8K.
- La THD est maximale avec un A.T de 0ms.
-La situation s’améliore nettement en portant l’A.T à 1ms.
-Le signal retrouve presque sa pureté en abaissant le ratio grâce à un seuil bas, ce qui se traduit par un son doux, peu agressif.
* Le signal composite est fabriqué avec 4 sinusoïdes de 50Hz, 200Hz, 3KHz et 8KHz en respectant l’enveloppe dynamique ainsi que la phase de ces fréquences conformément à un vraie grosse caisse.
2 – Instruments à transitoires moins rapides
Par exemple sur le chant ,les vents, guitares parfois. Un attack time très court a tendance à assourdir leur
timbre, à produire une perte de netteté des transitoires. Dans ce type d’instrument il faut choisir la valeur d’A.T
la plus longue possible tout en veillant à ce que la dynamique du signal soit maîtrisée.
3 – Instruments graves
Le problème de la distorsion se pose car les crêtes sont très larges, parfois plusieurs dizaines de ms. Le 1er coupable est un attack time trop court. Son réglage permet à lui tout seul d’annuler la distorsion.
Résolution d’un problème de saturation sur une basse. Au départ, les réglages pour faire saturer volontairement l’instrument sont les suivants : Le réglage initial du compresseur est :
-Le problème est résolu en portant l’attack time à 2 ms. - Le ratio influe aussi et avec un attack time de 0ms, un ratio < ou = à 1,4 fait disparaître la distorsion.
Le release influe mais faiblement sur la D.H
Le seuil n’influe pas. La saturation apparaît dès lors que le compresseur commence à compresser.
4 – Formes d’attack time
a) Différents fade-in produits par le compresseur de Logic
Remarque : le compresseur de Logic est pourvu d’un anticipateur (lookahead) car à 0ms d’att.t. il est instantané, ce qui est théoriquement impossible.
Le lookahead est débrayé dès qu’on porte l’attack time à une autre valeur que 0 ms.
b) Comparaison de deux compresseurs réputés Le Drawmer DL251 et le dbx 160.
Le réglage d’attack-time des deux compresseurs est 0,5ms, le ratio est important > 6.
L’attack time du DBX 160 est en réalité 130 ms ! Pourquoi une si piètre performance ?
Avec le dbx 160, les concepteurs ont réalisé un compresseur qui respecte le signal, qui ne le brutalise pas et produit une action discrète et un résultat transparent, propre, sans effets secondaires. La lenteur de ce compresseur est mieux adaptée aux instruments tels que basse, chant, instruments à vent ainsi qu’à ceux qui ne supportent pas les compressions outrancières, tel le piano ou aux ensembles instrumentaux. Le Drawmer lui, est plus performant pour les percussions et les signaux cycliques en général. Remarque : On observe tout de même un phénomène curieux sur le Drawmer : un écrêtage important en début de compression, pendant une durée de 4 à 5 ms, paradoxalement avec les ratios faibles et pas avec les ratios forts. Voir figures ci-dessous.
D – Le release time
Le release t. est le concept le plus flou des 5 paramètres du compresseur. Il a une influence spectrale assez fine sur le résultat de la compression.
Le besoin de réactivité lié au signal, à son débit, à sa durée ainsi que des soucis d’esthétique sont autant d’éléments à prendre en compte.
1-Effets du release T. sur la dynamique
Il modifie l’enveloppe dynamique du son dans la phase de relâchement. En cas de nouvelle crête, le release est interrompu par l’attack time suivant.
En 1ère approche, on peut régler par défaut le release à 80 ms. C’est un release standard qui fonctionne correctement dans une majorité de cas.
a) Release court (< 50 ms)
-compresseur réactif, -son pas figé et plus dynamique. -Meilleure perception du détail par la montée rapide des signaux faibles dans la phase de relâchement. Sensation de proximité de la source.
Mais
-le pompage est plus audible car la remontée du gain est plus rapide, de plus elle est statistiquement moins souvent couverte par les signaux suivants.
-on peut avoir une instabilité du signal qui se traduit par un son confus, brouillon, baveux.
b) Release long (> 100 ms)
-Stabilité des niveaux. -Sécurité : l’action du compresseur est prolongée -Montée des bruits parasites retardée et plus discrète. -Parfois sensation d’éloignement de la source. Mais : - le compresseur risque de ne pas être initialisé entre 2
crêtes et de déniveler en atténuant les crêtes suivantes. -Les transitoire qui suit risque d’être atténué et perçu comme assourdi. -Sons un peu figés, formatés, perte apparente de dynamique, d’énergie.
2 – Effets du release time sur le spectre
Ces effets sont subtiles.
a) Release court
Etant donné que les fréquences basses sont plus présentes sur
la fin des signaux, un release court favorise leur mise en évidence par un montée rapide du gain. Donc, selon les signaux à extinction rapide, plus de chaleur (voix, toms, cocottes ...), plus de rondeur.
Mais : Il participe de manière secondaire à la génération de THD.
b) Release long
Il peut produire l’effet inverse d’un release court, soit un son pauvre en fréquences basses, formaté et sans énergie.
E – LE GAIN
Comme nous l’avons vu tout au long des chapitres précédents, le gain n’est pas un élément accessoire de simple compensation car il fait le + souvent partie de l’objectif même de la compression.
Dans la plupart des cas, pouvoir jouer sur le gain est essentiel. Ce qu’on ne peut pas faire si l’A.T est trop lent par exemple.
F – LE KNEE
Permet d’adoucir la compression, de la rendre moins brutale. Tout se passe comme si avec un soft knee, on avait simplement abaissé le seuil. Ceci permet d’anticiper sur la crête et de commencer l’action + tôt.
Un expérience montre qu’en mode soft, sur la 1ère alternance, à 0,22 ms, le signal d’origine est déjà atténué de 4dB alors qu’en mode hard cette atténuation n’est que de 3,4 dB. Le compresseur soft ne va pas plus vite, il commence plus tôt ! On constate aussi en mode soft, un allongement de 20% du release time par rapport au mode hard, ce qui confirme l’abaissement du seuil.
Et enfin, 3ème élément, en mode soft, le signal est plus compressé de 1 dB (sur les 10 dB attendus), ce qui est logique en cas d’abaissement du seuil.
Ce paramètre est un simple élément d’ajustement que l’on règle à l’oreille.
Pour certains compresseurs, il peut prendre deux valeurs : soft ou hard.
G – DETECTION RMS
Le concept de RMS vient de l’électricité. On a voulu comparer l’efficacité du courant alternatif par rapport au courant continu en se livrant à l’expérience suivante :
On fait, en premier lieu, débiter une source de courant continu, par ex. 9 V dans une résistance chauffante et on mesure la quantité de chaleur produite. On répète l’expérience avec une source alternative : on se rend compte qu’à tension égale elle produit moins de chaleur, on augment la tension jusqu’à ce que le dégagement de chaleur soit identique et on obtient une source alternative aussi efficace que la source continue. On établit ainsi une échelle de comparaison entre tension continue, équivalente à une tension crête qui serait permanente et tension RMS ou efficace.
Un courant alternatif de 10 V eff peut donc fournir le même travail qu’un courant continu de la même valeur.
Les scientifiques ont établi une comparaison entre le niveau crête d’un signal et son niveau RMS. Leurs calculs donnent pour :
- Un signal pur (sinusoïdal) a un écart crête-RMS de 3dB.
- Lorsque l’on écrête un signal, voir fig 23, sa valeur RMS avoisine celle d’un signal carré dont le niveau RMS = niveau crête. C’est la valeur maximale que puisse prendre un signal.
Certains compresseurs permettent de choisir entre détection crête (peak) ou RMS.
La détection crête est celle de la compression traditionnelle, sa réalité est facile à comprendre. Le concept de niveau RMS est moins évident.
Il s’agit d’une « espèce de niveau moyen », néanmoins mesurable, qui correspond mieux à la perception de niveau sonore que le niveau crête. En effet, les crêtes sont souvent trop brèves pour être intégrées par le cerveau et le niveau RMS est plus révélateur de la perception de niveau sonore. On peut imager ce concept par la comparaison d’un vu-mètre à aiguille, plus lent car plus d’inertie avec un crête-mètre à led.
Dans le cas d’une compression RMS, le compresseur se déclenche, non pas sur des crêtes mais sur des niveaux RMS. Le résultat est moins de compression globale et en particulier des crêtes. De bons résultats sont obtenus sur les basses et contrebasses qui précisément ont des crêtes très larges et un niveau rms naturellement très élevé. Sur une batterie, cela me semble sans intérêt. De plus, on ne sait pas exactement ce qu’on fait, la notion de niveau crête étant plus simple à concevoir.
Voici à titre d’exemple l’écart moyen crête-RMS, mesuré, de divers instruments :
Voix (chant avec texte) 10 dB
Trombone 12 dB
Batterie rock 15 dB
Guitare rythmique funk 10 dB
Contrebasse 5 dB
Trompette 7 dB
Grosse caisse 12 dB
Caisse claire 14 dB
Cet écart crête-RMS est la seule mesure précise, réellement objective* du niveau de compression en masterisation où il prend le nom de dynamic range. * mieux vaut utiliser à chaque fois le même outil de mesure car l’analyse du niveau RMS se fait sur une certaine durée que l’on appelle fenêtre. Cette durée est couramment de 150 à 200 ms. Certains appareils de mesure ont un fenêtre réglable, d’autres non. Plus la durée d’analyse est longue, plus le niveau RMS a tendance à baisser.
Publié avec l'aimable autorisation de René KAMOUN
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